Les tortues ne fêtent pas Noël sous la neige by Sophie Jomain

Auteur:Sophie Jomain [Jomain, Sophie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Charleston
Publié: 2021-10-19T00:00:00+00:00

Gentille peut-être, mais sans doute un peu trop optimiste. Nous avons roulé pendant près de deux heures, avons exploré les endroits habituels où Henry se plaît à jouer ou à observer les animaux, sommes retournées plusieurs fois à la maison, en vain.

Dans la voiture, l’inquiétude de Monica est palpable. Il est bientôt 17 heures, et le soleil est en train de se coucher. À plusieurs reprises, nous avons essayé de joindre Henry sur son portable, mais nous sommes systématiquement tombés sur sa messagerie. Sur le siège passager, Monica se tord les mains.

— Vous pensez qu’on devrait aller à la gendarmerie ?

Je ne sais que répondre. Les agents connaissent Henry, et j’ai pu juger de leur gentillesse dans l’affaire de la propriété des Jernakov. Mais vont-ils dépêcher une patrouille pour aider à le retrouver alors qu’on n’est encore qu’en fin d’après-midi, qu’Henry a quatorze ans et n’a quitté la maison que depuis deux heures ?

Mes mains se crispent sur le volant.

Je suis censée être sur le marché pour vendre les gâteaux dans une heure, mais je ne laisserai pas Monica seule, dans son état ni sans savoir si Henry est en sécurité.

Nous nous garons devant la jolie case bleue de Monica et poussons un cri d’exclamation en même temps.

— Il est là !

Le visage fermé, le vélo couché au sol, Henry est adossé à la porte d’entrée. À ses côtés se tient Bastien.

J’ai à peine le temps de tirer le frein à main que Monica jaillit de la voiture.

— Henry, est-ce que tu vas bien ?

L’adolescent ne répond pas et détourne le regard.

— Que s’est-il passé ? demandé-je à Bastien.

— J’ai trouvé ce jeune homme en rade sur les quais, le pneu crevé. Je l’ai ramené.

— Merci…, murmuré-je.

— Comme Henry avait l’air… contrarié, et peu enclin à parler, j’ai jugé plus prudent d’attendre votre retour avec lui. Rien de grave ?

De l’index, je lui fais discrètement comprendre que je lui expliquerai plus tard. Il accuse réception et n’insiste pas.

— Merci beaucoup, monsieur, intervient Monica, c’est vraiment très gentil de votre part. Est-ce que je peux vous offrir quelque chose à boire pour le dérangement ?

— Oh non, je vous en prie ! Je vais profiter d’être là pour aider Rosie à porter ses bretelles sur le marché.

Si je ne peux m’empêcher de sourire, Monica ne réagit même pas à l’incongruité de mon chevalier servant. Elle est déjà en train de subir le contrecoup du stress. Je l’observe, si menue, si frêle, puis regarde Henry. Son hostilité est palpable, prête à rejaillir, il ne fait aucun doute qu’il a envie d’en découdre. J’ai l’intime conviction qu’il ne faut pas les laisser seuls, ce soir. Ils vont devoir discuter, mais les plaies sont encore trop à vif. Je prends les choses en main sans trop réfléchir.

— Tiens, Henry, et si tu m’accompagnais sur mon stand ?

Il me regarde enfin dans les yeux.

— Pour quoi faire ?

— Comment ça, pour quoi faire ? Tu n’as jamais entendu parler de mes bredeles, bonhomme ? Demande à Bastien, il paraît que je fais les meilleurs gâteaux de l’Univers.

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